Priorité dans l’achat de terres agricoles : critères et acteurs concernés

Le droit de préemption de la Safer, ce n’est ni un coup de théâtre ni une simple formalité : c’est un outil qui peut rebattre toutes les cartes lors de la vente d’un terrain agricole. L’organisme a la capacité de désigner l’acquéreur ou même de stopper net une transaction, mais ce levier ne s’actionne pas systématiquement. Tout dépend du profil de l’acheteur, de la destination prévue pour la parcelle, et de la surface en jeu.

Dans les faits, certaines catégories d’acheteurs bénéficient d’un avantage légal, tandis que d’autres voient leur projet passé au crible. À chaque étape, depuis la mise en vente jusqu’à la désignation de l’acheteur, le cadre réglementaire impose ses règles. Les conditions d’achat varient selon la situation du vendeur autant que selon les intentions affichées par l’acquéreur.

À qui s’adresse la priorité lors de l’achat d’un terrain agricole ?

L’attribution d’une parcelle agricole en France ne se fait jamais au hasard. Plusieurs acteurs gravitent autour de la transaction, chacun protégé par des droits ancrés dans le code rural. Lorsqu’un propriétaire met en vente, la notification doit impérativement parvenir à la SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) et au locataire en place. Cette procédure vise à préserver la fonction nourricière du foncier, tout en consolidant la pérennité des exploitations.

Le locataire fermier dispose d’un droit de préemption prioritaire, à condition d’exploiter la parcelle depuis au moins trois ans. Ce droit doit être exercé dans un délai de deux mois suivant la réception de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA). Ce mécanisme protège les fermes familiales et facilite la transmission au sein du foyer. Si le prix proposé semble déconnecté du marché, le fermier peut saisir le tribunal paritaire des baux ruraux, qui tranchera sur la valeur vénale réelle.

La SAFER entre en scène lorsque le locataire n’active pas son droit ou lorsque la cession sort du cercle familial. Elle dispose elle aussi de deux mois pour éventuellement préempter. La SAFER privilégie l’installation de jeunes agriculteurs, le renforcement des exploitations existantes ou encore la protection écologique. Des structures telles que les groupements fonciers agricoles (GFA), les foncières solidaires, ou des porteurs de projets à impact environnemental ou social peuvent également être retenus.

Voici les principaux intervenants et leurs rôles dans ce processus :

  • Propriétaire : il doit déclarer officiellement la vente.
  • Locataire fermier : détenteur d’une priorité légale sous réserve de conditions précises.
  • SAFER : veille à la préservation de l’usage agricole par le biais de la préemption.
  • Jeunes agriculteurs, GFA, foncières solidaires : candidats potentiels selon la cohérence de leur projet.

L’objectif de cette chaîne de priorités : maintenir les terres dans le secteur agricole, assurer la relève générationnelle, et freiner la spéculation ou le morcellement des propriétés.

Safer, droit de préemption et démarches : comprendre le parcours d’acquisition

Acheter un terrain agricole en France ne ressemble à aucune transaction immobilière classique. Dès qu’une vente se profile, le notaire informe la SAFER et, si besoin, le locataire, par le biais d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA). Ce document détaille les caractéristiques de la cession : prix, superficie, identité des parties. Une fois notifiée, la SAFER dispose d’un délai de deux mois pour se positionner sur le droit de préemption, à compter de la réception de la DIA.

La SAFER, véritable gardienne du foncier, évalue chaque dossier selon ses missions : favoriser l’arrivée de nouveaux agriculteurs, consolider les exploitations, protéger l’environnement. Les projets sont examinés devant un comité technique départemental (CTD), où se croisent représentants de l’État et acteurs locaux. La décision finale appartient aux commissaires du gouvernement.

Mais la préemption n’est pas un droit sans limite. Le locataire en place garde la main s’il justifie d’une ancienneté de plus de trois ans et ne dépasse pas une certaine surface d’exploitation. S’il décline ou ne répond pas, la SAFER peut alors choisir l’acquéreur, en fonction de la solidité et de l’intérêt du projet pour le territoire. Il lui est aussi possible de revendre la parcelle à un groupement foncier agricole, une foncière solidaire ou un porteur de projet en accord avec les politiques locales.

La suite s’apparente à une transaction classique : signature d’un compromis, réalisation des diagnostics, vérification du plan local d’urbanisme (PLU). Mais ici, la vigilance sur le respect du code rural et sur la purge des droits de préemption est totale. Une vente qui ne coche pas toutes les cases peut être contestée, voire annulée, entraînant retards et procédures devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

Main échangeant un morceau de terre riche sur une table en bois

Quels critères et précautions pour réussir son investissement dans le foncier agricole ?

Avant de se lancer, il faut impérativement examiner le prix du terrain. Les outils comme PrixdesTerres.fr, la base PERVAL ou le barème indicatif annuel brossent un tableau précis des valeurs à l’hectare, selon la nature du sol et la région concernée. Le marché du foncier agricole reste peu fluide : connaître avec précision les prix pratiqués permet d’éviter les surenchères, surtout lors de transmissions hors du cadre familial.

Le plan local d’urbanisme (PLU) doit être étudié sans relâche. La classification de la parcelle fixe les possibilités d’exploitation ou de construction. Une terre en zone agricole limite les usages et protège le bien de la spéculation. Il faut aussi passer au crible les diagnostics obligatoires : qualité des sols, risque de pollution, exposition aux aléas naturels. Ces éléments déterminent la viabilité et la valeur réelle de l’investissement.

La manière d’acheter influe directement sur la fiscalité. Un jeune agriculteur peut prétendre à un abattement notable lors d’une transmission. Les droits d’enregistrement descendent à 0,715 % si le fermier en place exploite depuis plus de deux ans et s’engage à poursuivre l’activité pendant cinq ans. Pour un acquéreur extérieur, le taux grimpe à 5,81 %. Les frais de notaire, quant à eux, se situent généralement entre 7 et 8 % du prix de vente.

Voici quelques points à examiner pour sécuriser son projet :

  • Se renseigner sur les solutions de portage foncier, notamment via le Fonds national Elan, pour permettre une installation étalée dans le temps.
  • Évaluer les conséquences financières d’une indemnité d’éviction si le fermier doit quitter la parcelle.
  • Se tourner vers les aides et subventions agricoles pour améliorer le montage financier.

Réussir un achat de terrain agricole demande une maîtrise fine de la réglementation, une anticipation précise des frais annexes, et une connaissance affûtée de tous les intervenants : notaires, SAFER, groupements fonciers ou structures solidaires.

Acquérir une terre agricole, c’est bien plus qu’un acte juridique : c’est investir dans un héritage vivant, une ressource à transmettre et à défendre. À chacun de mesurer la portée de ses choix, car chaque hectare cédé ou préservé dessine le visage de l’agriculture de demain.

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